Servir beaucoup l'homme et au-delà de l'homme.

La civilisation de l'amour

La civilisation de l’amour est une société imprégnée de charité qui trouve dans l’Évangile son ferment pour que la vie humaine soit authentiquement vécue. Ce terme a été mis à l’honneur par Paul VI (cf. le livre de Patrick de Laubier, La civilisation de l’amour selon Paul VI). Présente dès le début du christianisme d’une manière sous-jacente, cette civilisation est une réalité surnaturelle donnée par Dieu. Elle se fonde sur le mystère de l’Incarnation et sur le salut apporté par la Passion et la Résurrection. Elle trouve dans la doctrine sociale de l’Église une expression de ses principes clefs.

Les principes clefs de l’enseignement social chrétien

La Doctrine Sociale de l’Église, autrement appelée enseignement social chrétien, s’est constituée à partir du XIXème siècle du fait de la misère sociale venant des changements de la modernité, ainsi qu’en réponse aux nombreuses idéologies qui ont abîmées nos sociétés. Elle repose sur un ensemble de principes qu’il est bon de connaître. Ceux-ci sont nés à la lumière de l’Évangile, mais ils peuvent être perçus par tous par les lumières naturelles de la raison. Ils constituent donc des occasions d’échanges avec tous les hommes de bonne volonté.

Cet enseignement se trouve dans de nombreux encycliques et documents magistériels. Il a été regroupé dans le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église.

Les principes fondamentaux

Le premier principe fondamental est le respect de la dignité inaliénable de chaque personne humaine. Chacun doit être respecté dans son intégralité, de sa conception au terme naturel de sa vie.

À ce principe, s’est ajoutée l’idée que la personne humaine ne se trouvait elle-même que dans le don de soi (cf. Gaudium et spes 24). C’est pourquoi, il y aurait finalement deux principes fondamentaux. Nous formulerions le deuxième ainsi : les personnes humaines sont faites pour servir ensemble le mystère de la vie et de l’amour qui nous dépasse.

Les cinq principes connexes

Le bien commun est à promouvoir : Il s’agit des conditions qui permettent tant au groupe qu’à chacun de ses membres d’atteindre leur perfection d’une manière plus totale et plus aisée.

La destination universelle des biens : Chacun doit pouvoir user des biens qui lui sont nécessaires pour mener sa vie. Nos biens personnels nous ont été confiés pour le bien du plus grand nombre.

La solidarité : Nous sommes tous interdépendants, et faits pour entrer dans des échanges sociaux où chacun peut trouver sa place.

La subsidiarité : Le tissu social s’organise d’une manière organique à partir des échelons au plus près de la personne. L’échelon inférieur doit pouvoir prendre les décisions qui le concernent et qu’il est capable de prendre par lui-même. L’échelon supérieur ne doit intervenir que pour suppléer à une déficience de l’échelon inférieur, ou pour les exigences du bien commun.

La participation : Chacun doit pouvoir apporter sa part à la vie sociale en s’engageant personnellement.

Les valeurs fondamentales

La justice : Il s’agit de donner à chacun ce qui lui est dû.

La vérité : Vivre dans la vérité permet une vie sociale féconde.

La liberté : Chacun doit pouvoir réaliser sa vocation personnelle sans dominer, agresser, manipuler, etc. Mais plutôt en aidant l’autre à choisir et à s’engager.

L’amour : C’est la finalité. La société se construit au travers du don gratuit, de la confiance, et de la joie d’être ensemble.

Bâtir la civilisation de l’amour

Selon nous, bâtir une telle civilisation demande une attention particulière aux points suivants :

  • Une forte dévotion eucharistique : L’Eucharistie est le lieu où le Verbe fait chair se rend présent. Il convient de le célébrer, de le manger, de l’adorer, et de le contempler. C’est la source et le sommet. C’est depuis la présence du Verbe Incarné que tout se vivifie, s’organise et s’unifie dans la communion.

  • Des relations familiales authentiques : La famille est la cellule fondamentale de toute société. Détruire le modèle d’une fécondité basée sur une relation conjugale homme-femme telle que le prône l’Église, c’est déstructurer la société, perdre le sens de l’incarnation, quitter le chemin d’une vraie spiritualité. Promouvoir une saine sexualité et un authentique amour conjugal est une nécessité.

  • Des relations conviviales et fraternelles : La charité doit s’incarner dans des petites communautés où chacun a sa place et est accueilli, en particulier les pauvres et les isolés ; où la gratuité est à l’honneur ; et où l’on sait puiser dans les trésors de la culture, et faire preuve de créativité, pour vivre de joyeuses et profondes amitiés.

  • Une nature aimée et respectée : La nature est le reflet des splendeurs de la spiritualité. Si l’amour est vrai et authentique, il doit voir la beauté de ce monde qui nous est confié et œuvrer en harmonie avec lui. C’est un lieu de vérification et de conversion.

  • Une familiarité avec les anges : Ceux-ci font partie avec nous de la même communauté devant Dieu qu’est l’Église. Ils nous guident, nous aident, et nous protègent. Les négliger, c’est faire preuve d’indifférence envers l’amour. Les oublier, c’est perdre le chemin d’une spiritualité authentiquement vécue et être déséquilibrés dans notre rapport à l’Incarnation. Pour les découvrir, nous suggérons le livre de Gaële de la Brosse, Petite déclaration d’amour aux anges, nos compagnons de route. Ou encore le livre de Marc Lorient, le Sceau de l’Ange, qui au travers de saint Raphaël, modèle par excellence de l’ange gardien, aide à mieux percevoir le monde angélique.

  • Transmettre une sagesse et une culture authentiquement chrétiennes : En puisant dans les trésors de la civilisation chrétienne pluri-millénaire et dans ses racines plus lointaines, il convient de se former personnellement et collectivement, et d’avoir une authentique sagesse (philosophique, théologique et mystique) qui nous fait cheminer dans des cercles vertueux.

  • Contempler le mystère de la Sainte Famille et en vivre : C’est là que la première civilisation de l’amour autour du Verbe fait chair s’est déployée. C’est le modèle et le fondement. Il convient de découvrir en particulier le mystère de saint Joseph qui est perçu comme l’artisan de la civilisation de l’amour, et qui a été nommé par Jean-Paul II comme le patron du troisième millénaire.

Tous ces points nous ramènent à la défense de l’Incarnation qui est vu par saint Jean comme le cœur du combat contre les ennemis de Dieu (2 Jean 1, 7). Nous suggérons à ce sujet d’avoir une forte dévotion pour le mystère de Noël, et pour la Crèche, quitte même à en installer une à demeure chez soi. Car la Crèche est la révélation par excellence du mystère de l’Incarnation, et donc le lieu de naissance de la civilisation de l’amour.

On devrait donc peut-être l'appeler, pour être plus précis et pour éviter toute confusion : la civilisation de l'amour de Jésus. Car hors de Jésus, aucune civilisation ne peut vraiment être dans l'amour, ni durer sans se pervertir. Considérer une civilisation de l'amour sans s'intéresser à Jésus est possible abstraitement, mais ne l'est pas concrètement. Hors de Jésus, pas de civilisation de l'amour.

À la suite de Rod Dreher et de ce qu’il dit dans son livre Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus, Le pari bénédictin, nous pensons que la civilisation post-moderne actuelle va vers son déclin, et qu’il faut savoir semer autre chose dans de petites communautés ferventes, dans des associations ou des villages qui transmettent l’essentiel.


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